Cultures numériques
dans l’enseignement

1. Collaboration et apprentissage


1.1 Lecture/écriture numérique : qu’est ce qui change ?

MartineEst-ce vraiment une bonne façon d’aborder la question ?

Giffard en doute et préfère poser le problème d’une autre manière :  » Y a-t’ il une possible substitution ou non ? »

En effet, pour lui, la question doit se situer dans un contexte de baisse de la lecture et de reflux de la culture du livre. Celle-ci est ancienne (plusieurs dizaines d’années), mondiale et n’est pas due (principalement) à l’arrivée du numérique. Elle lui est antérieure. Elle s’accompagne d’une polarisation entre culture d’écran et cumul des modes d’accès et une fragmentation des pratiques selon les classes sociales, les âges et le genre.

Il établit 2 cas-limites, entre lesquels il fixe les possibles. Le premier scénario est que le développement de la lecture numérique compenserait la baisse de la lecture classique.

Le second est qu’elles sont trop différentes et que la lecture numérique se développe comme un compartiment d’une culture distincte, voire opposée à la culture écrite.

Selon lui, aucun de ces scénarios n’est réaliste. Les tenants du premier scénario ont tendance à nier le reflux durable de la lecture et laissent même entrevoir un retour de la lecture classique, relancée par la lecture numérique. Les tenants du second oublient qu’il s’agit, dans les deux cas, de lire un texte et que le livre n’a pas toujours été le support de lecture….

Gautier, pense plutôt en termes d’articulation (à trouver) entre ces deux formes de lecture. Il s’appuie d’ailleurs, sur la distinction que fait Giffard entre lecture d’étude et pré-lecture. Cette dernière est plus conséquente dans la lecture numérique : allumer l’ordinateur, trouver le texte à lire, l’adapter à la taille de l’écran…et surtout elle peut donner l’illusion, grâce à un repérage et un survol du texte, d’être suffisante. Or, la lecture numérique demande une grande souplesse dans l’acte de lecture et cette adaptabilité est entièrement à la charge du lecteur, en l’absence de technologie adaptée de la lecture sur écran.

La lecture d’étude, qu’elle soit faite sur papier ou  sur écran, appelle l’écriture (trace de la réflexion qui l’accompagne). C’est donc  aussi le rapport lecture-écriture, qui se trouve modifié.

Même si cela ne permet pas de faire le tour de la question, nous pouvons tout de même tenter d’identifier ce que le numérique « apporte », potentiellement et ce qu’il  « retire » à la lecture/écriture. C’est aussi la démarche qu’empreinte   Chartier (Anne-Marie), dans son article : « Ce qui se gagne, ce qui se perd » dans  le numéro 500 des Cahiers pédagogiques.

Commençons par les « pertes » Pour Chartier (Roger), c’est clair : l’unité de l’objet, que ce soit un livre, une revue ou un journal n’existe plus, avec le numérique. On a affaire à des fichiers, à des morceaux de textes. Une certaine accessibilité et simplicité est aussi remise en cause. Ces deux auteurs écrivent que la lecture numérique se fait pour le moment dans le cadre d’une technologie par défaut.

De nombreux points positifs sont aussi à mettre au crédit de la lecture numérique, du moins potentiellement.. Les moyens de repérer (et de retrouver!) un passage dans un texte sont bien plus nombreux et performants, dans un texte numérique, mais nous sommes là plutôt dans le domaine de la pré-lecture. De même, la possibilité de charger des centaines d’ouvrages sur une tablette ou une liseuse n’est pas anodin. Le rapprochement de la lecture et de l’écriture est facilité par la possibilité de poser des annotations et de les mettre en mémoire, au sein du même fichier. Cela peut ainsi donner lieu à des annotations croisées, entre différents lecteurs ou entre lecteurs et producteurs du texte. C’est ce qu’on appelle une approche ergative des textes (voir glossaire).

Les caractéristiques de la lecture numérique sont bien décrites par Rouet et celles de l’écriture numérique par les membres du projet PRECIP qui proposent un modèle sur 3 niveaux qu’ils représentent sous la forme d’une carte heuristique.

Ces deux domaines de la lecture et de l’écriture sont de plus en plus mêlés. Doueihi considère que l’on ne peut plus les considérer comme de simples outils ou objets, mais de vrais sujets d’enquête, car ils constituent aujourd’hui une culture qui elle aussi, a tendance à apparaître comme « transparente ». Vial parle d’ontophanie pour définir notre « être au numérique ». Pour illustrer cette idée, on peut signaler qu’aujourd’hui  certains étudiants ne manient (plus) jamais un ordinateur ou une souris. Ils gèrent toute leur « vie numérique » à partir de leur smartphone.

Le travail collaboratif est notablement facilité par le numérique. Mobiliser des « amis » pour nous aider à  apprendre. Le travail même d’enquête et les possibilités de discussion sont transformées comme on le verra dans la section 1.3.